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Make or buy : comment s'y prendre?

  • Pauline JOUARD
  • 13 janv. 2017
  • 7 min de lecture

Prendre la décision d'externaliser ou non se heurte à de nombreux obstacles: enjeux idéologiques, objectivité des comparaisons, bouleversement de l'organisation interne... Le CPO doit donc procéder avec méthode et ne pas hésiter à collaborer avec les autres directions.


Faire ou ne pas faire, telle est la question... Une question qui n'est peut-être pas encore assez prise au sérieux dans les entreprises. En effet, la réponse se résume souvent à la dimension économique: si on peut faire aussi bien ailleurs mais pour moins cher, allons-y! Pourtant, la problématique du make or buy englobe de nombreux aspects: économiques, certes, mais également stratégiques, sociaux, d'image... Elle ne peut en aucun cas être balayée d'une simple considération financière. Mais comment l'aborder? Si le make or buy se situe dans le top 3 des priorités pour 41% des CPO (étude Synapscore, novembre 2015), ces derniers se heurtent à des enjeux d'ordre dogmatique et politique et surtout à la difficulté de comparer de manière totalement objective les différentes possibilités. Cela doit passer par une méthodologie rigoureuse, faisant intervenir l'ensemble des directions de l'entreprise et validée par la direction générale. Si le make or buy doit être porté par les achats, ces derniers ne peuvent en aucun cas répondre seuls à cette question complexe.

Améliorer l'un des trois piliers: qualité, coût, délai

Avant toute chose, il est nécessaire de se poser la question suivante: pourquoi souhaiter externaliser une activité de l'entreprise? La réponse ne peut pas - et ne doit pas - être uniquement économique. Elle doit être avant tout stratégique. Chez ST Microelectronics, fabricant de matériel électronique, tout est traditionnellement intégré, depuis la conception de la technologie jusqu'à la fabrication du produit final. Mais, depuis peu, la société commence à s'ouvrir aux sous-traitants, sous l'impulsion d'Aymeric Fuchet, directeur des opérations et du développement business de la division imagerie, qui a "l'intime conviction que, pour être performantes, les sociétés doivent désormais s'associer avec des partenaires, afin de co-innover". À la notion de make or buy serait donc associée celle de performance: on externaliserait des tâches pour bénéficier d'une expertise extérieure à l'entreprise. "La question du make or buy se pose quand l'entreprise souhaite améliorer l'un des trois piliers: qualité, coût ou délai, observe Jacques-Emmanuel Durand, président d'Experbuy. Cela peut concerner des entreprises en croissance comme des entreprises qui, au contraire, vont mal. À chaque fois, on cherche à récupérer la valeur ajoutée que peut apporter un prestataire."

Une valeur ajoutée qui peut être économique - le prestataire propose de le faire pour moins cher - ou technique - le prestataire dispose de compétences qu'on n'a pas en interne. L'objectif étant au final de proposer un produit de meilleure qualité au client, ou moins cher, ou plus innovant, ou disponible plus rapidement, ou d'offrir un meilleur SAV... Pour répondre à la stratégie globale de l'entreprise, cette décision de faire ou faire faire doit donc être stratégique et émaner de la direction générale. "Si le directeur achats gère le projet de make or buy, il ne décide pas seul. Sa décision doit se faire de concert avec la direction générale", insiste Jean-Louis Cailloux, spécialiste de la fonction achats au sein de la société de conseil Dirigeants Conseil Alsace. D'autant plus que cette question recèle des enjeux politiques et sociaux, auxquels les achats ne sont pas en mesure de répondre. Ce qui ne veut pas dire que le directeur achats n'a aucun rôle à jouer vis-à-vis de cette question: c'est à lui de suivre la démarche make or buy de bout en bout, depuis la sensibilisation de la direction générale jusqu'à la possibilité d'externaliser, y compris le choix et le pilotage des fournisseurs.

Un coeur de métier difficile à définir

Après avoir répondu à la question pourquoi, il s'agit de répondre à la question quoi: quelle activité sous-traiter et pourquoi? C'est tout l'objectif d'une démarche de make or buy. Il est d'usage de dire que les entreprises doivent se concentrer sur leur coeur de métier et laisser le reste à des prestataires externes. Mais ce n'est pas aussi simple. Première chose: quel est réellement le coeur de métier d'une entreprise? Éric David, p-dg d'AddValentiam, société de conseil en gestion des affaires, donne l'exemple du transport: "Autrefois, la plupart des entreprises possédaient leurs camions et leurs chauffeurs en propre. Ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui, sauf pour celles qui considèrent que la logistique est l'élément différenciant de leur business model. Ainsi, Picard et Toupargel pensent que c'est leur coeur de métier et possèdent leur propre flotte de camions réfrigérés tandis que Danone fait appel à un transporteur spécialisé."

Qui a tort, qui a raison? Personne! Cela dépend de la stratégie de l'entreprise. "Il ne faut pas copier systématiquement ce que font les voisins mais se poser la question de son cas particulier: quel est mon métier, qu'est-ce qui fait ma différence?", ajoute Éric David. Ainsi, la question de l'externalisation dépasse la notion de coeur de métier: certaines fonctions peuvent être conservées à l'intérieur de l'entreprise parce qu'elles apportent une valeur ajoutée en étant réalisées en interne. Ou au contraire être externalisées pour accéder à davantage d'innovation. Pour déterminer ce qu'il peut être envisageable d'externaliser, le CPO peut adopter une méthodologie structurée. "Il faut se poser la question de ce qu'il est essentiel de conserver, de maîtriser pour avoir un avantage compétitif sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Il faut reconstruire le flux complet, l'ensemble du processus de production du produit, et se poser la question étape par étape, composant par composant, de ce qu'il est indispensable de maîtriser ou non", pense Jean-François Laget, directeur associé d'Argon Consulting. Attention à ne pas externaliser quelque chose uniquement parce qu'on ne sait pas le faire ou parce qu'on le fait mal: "Cela conduit généralement à un échec, constate Éric David. Il est en effet difficile de transférer un processus que l'on connaît mal: tout en laissant un peu de liberté aux prestataires, il s'agit d'être précis dans la description de ce que l'on souhaite externaliser exactement." Au-delà de cet aspect stratégique, lié à ce que l'on souhaite maîtriser ou non, de nombreux autres paramètres entrent en compte: possède-t-on les compétences en interne? Le client souhaite-t-il que ce soit réalisé en interne ou non?...

Comparer ce qui est comparable

Outre le triptyque classique coût/qualité/délai se posent aussi des questions sociales, de risques, de perspectives de développement à l'international ou encore d'image vis-à-vis des clients. Serge Dautrif, CEO de Synapscore, souligne d'autres points: les évolutions de produit, qui ne seront pas forcément correctement menées par un prestataire externe, la fin de vie des produits, la réversibilité [voir encadré ci-dessous], l'amortissement des actifs... "La vision de l'externalisation est souvent à trop court terme et trop statique. Il faut faire des scénarios, avoir une vision globale de l'entreprise", pointe-t-il. Jacques-Emmanuel Durand conseille d'élaborer des prospectives économiques, à partir de l'analyse SWOT, afin d'établir quel sera le futur de sa propre entreprise mais également du marché, celui des fournisseurs éventuels...

"L'évaluation des fournisseurs potentiels et leur comparaison avec l'interne ne doivent pas prendre en compte uniquement l'instant T. Il faut réussir à anticiper les évolutions et pas seulement pour les mois qui viennent mais pour les années", approuve Jean-Baptiste Sebag, senior manager chez Argon Consulting. C'est là que les achats ont un grand rôle à jouer, pour pointer qu'il ne faut pas se borner à la seule dimension des coûts: problèmes de qualité, de risques... Jacques-Emmanuel Durand conseille également de se poser la question de l'impact sur sa propre entreprise de passer par un fournisseur: quelle mise en place, quel pilotage...

"L'étude make or buy ne doit pas être uniquement théorique, pense Jean-Baptiste Sebag. La finalité de l'étude doit être d'aboutir à un plan d'action concret, documenté avec des business cases, afin d'avoir une idée réelle des coûts et des gains." "Il faut avoir en interne une idée précise du coût complet", poursuit le senior manager d'Argon Consulting. Surtout, il faut pouvoir comparer ce coût avec celui proposé par le fournisseur: "La vision en interne et en externe n'est pas la même, ce qui rend la comparaison difficile. Il faut réussir à reconstituer un coût de production vraiment objectif en entrant dans la compréhension des éléments structurels du processus de fabrication", souligne Jean-François Laget.

Faire appel à un cabinet de conseil peut, sur ce point, être un plus: il passera du temps à visiter les usines internes et des fournisseurs potentiels, à recueillir des informations utiles à cette comparaison. Serge Dautrif parle des coûts indirects et de l'évolution de la structure de coûts: "Le management qui portait l'activité externalisée continue d'exister mais porte moins d'activités: les activités restantes peuvent donc devenir à leur tour moins rentables. Ce qui peut mener à une spirale infernale", avertit-il. Il faut donc souvent restructurer son entreprise avant d'externaliser. Mais se posera toujours la question d'appareils qui servent à plusieurs choses.

Constituer un comité make or buy

Pour mener à bien la démarche, Jean-François Laget conseille d'établir un comité make or buy animé par le directeur achats et constitué du directeur général, du Daf, du directeur industriel, commercial, R&D, ressources humaines... afin de prendre en compte tous les impacts d'une telle décision. "Les acheteurs ne sont pas armés pour appréhender et surtout arbitrer seuls toute la complexité du processus industriel. Ils ne doivent donc pas réaliser seuls cette démarche de make or buy", explique-t-il. Cela permettra de prendre en compte aussi bien les problématiques de logistique et technologiques, que les plans sociaux à prévoir ou les reconversions... Au-delà de la direction générale et des autres directions de l'entreprise, Jean-Louis Cailloux pense même qu'il est indispensable d'inclure les partenaires sociaux dans la réflexion, afin qu'ils adhèrent au projet. "Faire adhérer l'ensemble des acteurs de l'entreprise au projet permet qu'il soit mené à bout, avance-t-il. Il s'agit de faire comprendre que cette décision est en phase avec la stratégie de l'entreprise, qu'elle ne sera pas forcément liée à des réductions d'effectifs..." La communication est donc clé dans le processus. Ce n'est pas Aymeric Fuchet ( ST Microelectronics) qui dira le contraire: pour faire prendre conscience de l'importance de l'externalisation à son entreprise, il communique beaucoup, démontrant ce qu'un partenariat extérieur peut apporter. "Je commence par de petits projets afin d'amener petit à petit de la diversité dans le business model", décrit-il.

Une communication essentielle pour créer la confiance et parvenir à une réflexion make or buy réellement aboutie, inscrite dans la durée. Car la démarche ne s'arrête pas une fois la décision prise de faire ou faire faire telle ou telle activité. Il faut piloter le make or buy en se reposant régulièrement la question des activités à externaliser ou non et piloter les fournisseurs retenus: c'est là aussi que se situe le travail des achats. Car une externalisation réussie est une externalisation qui mène à un réel partenariat avec ses fournisseurs, permettant de co-innover.

www.boost-achat.com Source : www.decision-achats.fr

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